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L’INDICE DE PERCEPTION DE LA CORRUPTION 2022 : LE DIFFICILE ENVOL DU CAMEROUN

Yaoundé,
Le 31 janvier 2023, les résultats de l’indice de Perception de la Corruption 2022 publiés par Transparency International (TI) demeurent constants. Comme pour les années précédentes, les résultats de l’Afrique subsaharienne ne laissent pas présager d’un avenir meilleur en matière de régression de la corruption, particulièrement dans un contexte où les conflits armés s’enlisent et favorisent de plus en plus le fléau.

A PROPOS DE L’IPC

Comme chaque année, l’indice 2022 classe 180 pays et territoires selon leur niveau de perception de la corruption du secteur public d’après les experts et hommes d’affaires sur une échelle allant de 0 (perçu comme très corrompu) à 100 ( perçu comme très peu corrompu). Cette année, La moyenne mondiale de l’IPC reste inchangée à 43 pour la onzième année consécutive, et plus des deux tiers des pays font face à une corruption endémique, avec un score inférieur à 50. Le Danemark (90) arrive en tête de l’indice cette année, suivi de près par la Finlande et la Nouvelle-Zélande, toutes deux à 87. Des institutions démocratiques solides et le respect des droits de l’homme font également de ces pays quelques-uns des plus pacifiques au monde, selon l’indice de paix global. Le Soudan du Sud (13), la Syrie (13) et la Somalie (12), tous trois plongés dans un conflit prolongé, restent en bas de l’IPC.
26 pays – parmi lesquels le Qatar (58), le Guatemala (24) et le Royaume-Uni (73) – accusent des scores historiquement bas.

EN CE QUI CONCERNE LE CAMEROUN

Les résultats du Cameroun stagnent depuis plusieurs années (depuis 2017) dans le classement de l’IPC, cette année encore le Cameroun est classé 142e  pour un score de 26/100, un fait qui ne suscite pas de l’étonnement quand on sait que le pays a toujours été en proie aux polémiques liées à la Corruption et ses composantes. Les détournements de fonds publics sont légions, l’opacité dans les passations des marchés publics, l’absence de bonnes pratiques dans la gouvernance publique, le rétrécissement de l’espace public, l’intimidation des lanceurs d’alerte etc. Tous ces facteurs qui favorisent l’instabilité socio-économique et qui freinent la croissance et le développement. A la date d’aujourd’hui, les camerounais sont toujours dans l’attente des actions à la suite du rapport d’audit de la chambre des comptes sur la gestion des fonds Covid. A cette attente s’ajoute désormais, le scandale de la gestion des fonds du complexe sportif d’Olembe qui n’a toujours pas livré tous ses contours depuis l’annonce de la résiliation unilatérale de MAGIL et ce, malgré la communication faite sur la reprise des travaux par la même entreprise…. L’affaire MAGIL semble même plutôt mal cacher une autre affaire toute aussi kafkaïenne et qui concernerait cette fois ci, une société appelée « PRIME POTOMAC », laquelle aurait gagné le marché de construction du stade de Garoua (Nord Cameroun), sans oublier l’affaire Glencore dans laquelle le Cameroun figurait parmi les pays en Afrique où le géant minier aurait versé des pots de vins aux fonctionnaires en échange de contrats miniers. L’actualité est enfin nourrie par la découverte par les camerounais des pratiques liées à l’utilisation de certaines lignes budgétaires à l’instar des lignes 94, 65 et 57 sur lesquelles pèseraient des soupçons graves de détournements de fonds publics.

CORRUPTION, CONFLITS ET SECURITE
Les grandes lignes de l ’IPC 2022 interpellent sur la corrélation entre la Corruption, les conflits et la sécurité. La situation sécuritaire en Afrique en général et au Cameroun en particulier est devenue fragile depuis plusieurs années. Les conflits dans les régions de l’Extrême- Nord, du Sud-Ouest, du Nord-Ouest et les questions d’insécurité à l’Est, interpellent et questionnent sur l’efficacité réelle de la politique sécuritaire du pays. Ces conflits brouillent également la perception qu’ont les populations sur la légitimité des autorités centrales. Ajoutés à tout ceci, la situation économique difficile qui entraine une pauvreté de la plus grande partie de la population et un chômage ambiant majoritairement chez les jeunes, les violations des droits de l’homme, l’augmentation des prix des denrées alimentaires, la hausse du prix des timbres fiscaux et depuis hier soir la hausse des prix du carburant, toutes choses de nature à installer encore plus confortablement que par le passé, des pratiques de corruption dans tous les secteurs de la vie sociale et à creuser l’écart entre les « pauvres » et les « riches ». Malgré les mesures prises par le Gouvernement pour ramener la paix particulièrement aux Nord Ouest et au Sud Ouest, ces conflits ne cessent de s’alimenter rendant ainsi fragiles les institutions et l’Etat de droit.
Le thème développé avec la publication de l’IPC 2022 permet de rappeler rappelle que la corruption et les violences se nourrissent mutuellement et qu’elles menacent la paix et réduisent les possibilités de croissance économique. Il réaffirme également la nécessité de poursuivre le combat dans un pays qui a plus que jamais besoin d’actions efficaces et efficientes pour mettre fin à la corruption.
Face à ces constats, les réponses à la lutte contre cette pandémie doivent être plus sévères et s’appliquer à tous ceci sans distinction de rang social ou d’ethnie afin de garantir une société épanouie et équitable. Des progrès durables en matière de lutte contre la corruption ne peuvent être réalisés que si des contrôles sociétaux et institutionnels du pouvoir sont assurés et exigés
par les citoyens. Pour ce faire, l’application effective de l’article 66 de la Constitution sur la déclaration des biens et avoirs doit s’imposer comme une évidence, de même que l’adoption d’une loi anti-corruption garantissant la protection des lanceurs d’alerte, des militants anticorruption et des journalistes rapportant des cas de corruption. Car si le discours politique encourage la dénonciation, la réalité est parfois contraire : dénoncer OUI mais parfois à quel prix ?
Un Cameroun meilleur n’est possible qu’à travers le renforcement du dispositif existant et la répression sans faille de tous les actes de corruption, de mauvaise gouvernance et de détournements des deniers publics.
                                                                                                                   Me Njoh Manga Bell Henri

                                                                                       Président de Transparency International-Cameroon

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